Droit de l'enfant - le délégué général

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Plan Santé Petite Enfance

Réunis à l'initiative conjointe du Délégué général aux droits de l'enfant et du docteur Georges Casimir (directeur général médical de l’HUDERF), une quinzaine de professionnels de premier plan (liste en annexe) ont souhaité faire connaître sans attendre leurs priorités en matière de santé des enfants, avec l'espoir qu'elles puissent être prises en considération dans les diverses déclarations de politique générale en cours d’élaboration.

 

Conscients que les réalités socio-économiques vécues par les enfants des familles subissant la pauvreté, la pauvreté durable, l’appauvrissement ou la précarité sont peu propices à un développement en bonne santé et constituent des freins importants à l'accès à des soins de qualité, le groupe rappelle en préliminaire :

 

  • Il y a lieu de lutter en priorité contre la pauvreté, la précarité et l’appauvrissement constants des familles. De nombreux plans existent, du niveau Européen aux niveaux Fédéral, Régionaux et Communautaires (dont certains spécifiques à Bruxelles en 2010 et 2012). Pour diverses raisons qu’il serait nécessaire d’analyser (dont le peu d’articulation entre les différents niveaux de pouvoir, le manque d’adéquation aux réalités du public visé, etc), ceux-ci sont trop peu activés que pour permettre d’alléger réellement la situation quotidienne des personnes concernées.

 

  • Contrairement à ce qui est trop souvent diffusé, les parents sont particulièrement attentifs à leurs enfants et à leur santé et cherchent à faire le mieux possible avec les atouts dont ils disposent. Les considérer comme peu responsables est non seulement injuste mais complexifie encore la situation difficile à laquelle les familles sont exposées. La stigmatisation à laquelle les parents sont régulièrement confrontés les fragilise. Les familles sont conscientes de leurs difficultés : leur rappeler leurs éventuels manquements lorsqu'elles consultent et s'exposent se révèle régulièrement contre productif. Les familles ont donc prioritairement besoin d’être accompagnées, soutenues, épaulées plutôt que jugées.

 

  • Les contraintes pécuniaires auxquelles sont confrontées les familles pauvres(1) induisent une crainte permanente des conséquences financières des décisions prises pour leurs enfants. Si la situation semble s'améliorer en matière de soins de santé (meilleure information sur la gratuité des soins et l’accès au tiers payant), cette crainte subsiste cependant dans différents domaines liés à la santé ainsi que pour d’autres aspects de la vie et doit être prise en considération lors de la réflexion sur les dispositifs préventifs à organiser. Dans cette optique, il importe que les familles soient pleinement impliquées dans cette réflexion, ainsi que dans les décisions qui les concernent, pour intégrer leurs réalités/expériences et éviter les effets pervers des politiques.

 

  • Enfin, les « lieux de santé » sont souvent organisés autour de codes culturels dominants qui en font des lieux mal compris et/ou mal vécus par les usagers les plus faibles. A contrario, leurs modes de vie sont aussi souvent mal compris et mal interprétés par les travailleurs de santé, généralement trop peu sensibilisés aux réalités endurées par les familles pauvres.

 

 

 

RECOMMANDATIONS

 

 

Le groupe recommande la (re)valorisation des métiers de la petite enfance. Cette (re)valorisation passe sans conteste par une amélioration des conditions financières qui conditionnent les capacités d’agir des acteurs de ces secteurs mais aussi par une formation accrue et améliorée pour répondre aux nouveaux défis posés.

 

L'absence ou l'insuffisance  de structures d'accueil de la petite enfance (crèches, halte-garderies, etc.) dans les quartiers déshérités, dénoncée de manière récurrente depuis déjà trop longtemps, reste criante et plus que préoccupante. Le groupe insiste lourdement pour que de nouvelles places soient ouvertes sans délai et qu'elles concernent prioritairement les entités locales les plus défavorisées (dont plusieurs quartiers bruxellois et dans les grandes villes wallonnes). Il s’agit de garantir à chaque enfant une accessibilité adaptée à ses besoins à des lieux de développement et de socialisation.

 

Le groupe recommande d’améliorer l'offre de soins de santé de première ligne (curative et préventive). Le succès des maisons médicales indique certainement une voie à suivre. Outre un ancrage local fort et un travail plus participatif avec les usagers, le modèle de ces maisons propose des soins de santé de proximité sans dépense ni préfinancement et offre de surcroît une approche multidisciplinaire (infirmières, kinésithérapeutes, psychologues, médecins, …) très favorable à la qualité des soins. Il importe aussi d’encourager les prestataires de soins à participer à de tels modèles, de garantir en tous cas l’accès à des médecins conventionnés (quelque soit l’échelon de soins) et de jeter des ponts entre les soins préventifs et curatifs.

 

En matière de promotion de la santé et de prévention, le groupe souhaite plus de cohérence et de coordination entre les diverses initiatives prises en la matière. Le groupe recommande ainsi la coordination des différents programmes en la matière et un pilotage fort, régulièrement  évalué. En particulier, le groupe insiste pour que l'information concernant les dispositifs préventifs et les soins, ainsi que l’accès à ceux-ci, soit compréhensible pour tous et largement partagée. S’il est indispensable qu’il en soit ainsi dans l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est d’autant plus important en Région bruxelloise où se développent des programmes gérés séparément par la Communauté flamande et la Fédération Wallonie-Bruxelles.

 

Le groupe soutient et défend la nécessité d’assurer la gratuité totale des soins préventifs ou curatifs pour les enfants jusqu’à 6 ans quel que soit le statut administratif ou juridique des enfants ou de leurs parents. Cette disposition devrait, de facto, être étendue aux mamans enceintes.

 

Dans le même état d’esprit, poursuivant l’objectif de renforcer tous les enfants, le groupe recommande vivement l’octroi de repas chauds gratuits et de qualité dans les écoles durant le cycle maternel et fondamental. De nombreuses recherches et expériences mettent en évidence les bienfaits d’une telle gratuité sur différents plans : non stigmatisation, diététique, économie domestique, relation de l’établissement scolaire avec son environnement, etc. De plus, les écoles devraient obligatoirement mettre à disposition un accès aisé et gratuit à l’eau potable.

 

Les enfants porteurs d’un handicap doivent absolument faire l’objet d’une attention politique particulière, tant au niveau des coûts financiers que  leur situation entraîne que de l’accessibilité aux services.

 

Enfin, alors que la demande est considérable et en augmentation, la possibilité pour des enfants et des adolescents d’accéder aux soins de santé psychologique ou psychiatrique reste très difficile et dépendante de listes d’attente incompatibles avec le respect des droits les plus élémentaires des enfants. Le groupe recommande de développer un meilleur accès à ce type de soins, tout au moins en adéquation avec la demande.

 

 

MEMBRES DU GROUPE SIGNATAIRE

 

- Séverine ACERBIS : Directrice de Badje ASBL
- Anouck BILLIET : Collaboratrice à l’Observatoire wallon de la santé
- Fabrizio CANTELLI : Coordinateur à la Ligue des usagers des services de santé (LUSS)
- Georges CASIMIR : Directeur général HUDERF – professeur à l’ULB
- Muriel DEGUERRY : Directrice à l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, service d’étude des services du Collège réuni de la Cocom
- Bernard DE VOS : Délégué général aux droits de l’enfant
- Michel DEVRIESE : Président de la Société de Médecine dentaire ASBL
- Gilles HENRARD : Médecin généraliste, administrateur à la fédération des Maisons Médicales
- Perrine HUMBLET : Professeur à l'ULB, expert auprès de l'Observatoire de l'enfant (Cocof)
- Christine MAHY : Secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
- Marie-Christine MAUROY : Direction médicale - ONE
- Geneviève OLDENHOVE : Médecin généraliste en maison médicale (Marolles)
- Gaëlle PETERS : Agent de développement - Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
- Renaud TOCKERT : Administrateur - délégué de l’Opération de Solidarité CAP48 - RTBF
- Karin VAN der STRAETEN : collaboratrice du Délégué général aux droits de l’enfant

 


(1) Dans l’entièreté du texte, le terme « pauvreté » est à comprendre comme « pauvreté, pauvreté durable, appauvrissement et précarité ».