Droit de l'enfant - le délégué général

Imprimer la page

La filiation

Nouvelles questions de filiation et droits du Sujet

Depuis plusieurs années, nous sommes très régulièrement sollicités sur des questions relatives à l’accouchement dans la discrétion, à l’anonymat des donneurs en matière de procréation médicale assistée, à la gestation pour autrui, aux dons d’ovocytes, aux dons d’embryon, aux dons de sperme…

Nous pensons que ces questions doivent être pensées dans leur globalité, dans une réflexion plus générale sur la filiation et sur la parentalité. Or, nos cadres institutionnels ne semblent plus adaptés aux réalités de l’enfant. La filiation tend de plus en plus à s’instituer en dehors du mariage, la procréation médicale assistée favorise des pratiques de filiation qui ne sont pas nécessairement en lien avec l’histoire biologique de l’enfant. Dans le cadre des procréations médicales assistées, l’évolution peut paraître aller à contre courant de cette dimension physiologique et tend à faire prévaloir le projet parental. Il est par conséquent légitime de s’interroger sur la question de savoir si la filiation doit faire prévaloir le lien biologique ou l’expression de la volonté traduite dans un projet parental.

D’autres questions plus concrètes doivent être posées. Dans le cadre des procréations médicales assistées par exemple, faut- il considérer ces nouvelles pratiques comme un acte médical au sens large du terme ? L’examen de telle demande doit-il être considéré comme un acte médical et doit-il dériver de la seule science médicale ? Faut-il examiner l’intérêt des parents intentionnels et leur projet parental et selon quels critères ? Comment penser l’intervention du tiers médical ? Notre interrogation porte donc surtout sur ces évolutions et sur la mise en place d’un cadre de réflexion en partant du postulat que la filiation est une mesure de protection de l’enfant et que notre réflexion doit penser l’élaboration de montages institutionnels de filiation favorisant l’épanouissement de l’enfant, l’émergence de sa subjectivité.

Il nous faut aussi garder à l’esprit que la question de la filiation intervient dans la santé mentale de l’enfant et que les personnalités fragiles peuvent « exploser » sur des questions de filiation.

La difficulté d’un tel débat provient aussi de la question de réguler des pratiques de procréation souvent considérées comme privées tout en garantissant des mesures de protection pour l’enfant.

L’enfant est un tiers vulnérable pour lequel l’État a une obligation d’agir. La filiation doit donc être considérée comme un droit fondamental de l’enfant et une mesure de protection. Néanmoins, il serait utile de réfléchir sur la notion même de droit à une filiation et sur la notion de protection. La question de la parentalité est également prépondérante. Le débat doit surtout porter sur la présence du parent tiers et sur le « comment » penser une autre formule que la  relation binaire du couple parental. Enfin, la parentalité peut aussi se développer comme une théorie du risque et glisser vers des pratiques sécuritaires, des pratiques de contrôle. Cette dérive ne peut être occultée. Notre préoccupation est également de recommander aux instances politiques de réfléchir sur une mise en perspective globale de la filiation et de la parentalité.

Pour tenter d’éclaircir ces questions, nous avons donc organisé un groupe de travail qui nous a conduit à proposer un rapport qui vise à vérifier si un cadre de pensée propre à l'institution du Délégué général  pouvait être élaboré et inspirer des recommandations énoncées dans une étape ultérieure. Nous ne nous sommes donc pas avancé jusqu'à proposer un cadre de pensée politique qui pourrait guider, selon les suggestions du Délégué général, les responsables dans les initiatives notamment législatives qu'ils pourraient être amenés à prendre dans ce domaine.

Enfin, nous avons parfois structuré notre rapport en nous appuyant parfois sur des références personnelles, notamment sociologiques. Ces références n'ont évidemment pas la prétention de fournir un cadre intégrateur aux différents points de vue qui se sont exprimés. Il s'est agi pour nous, plus modestement, de tenter de trouver au moins une façon de rendre raison de travaux très riches, de manière aussi cohérente que possible.

Nous avons ainsi structuré notre texte en trois parties, correspondant à trois questions :

  1. quels sont les niveaux où se situent les problèmes posés et quelles sont les relations significatives entre ces niveaux ?
  2. comment prendre en compte la pluralité des acteurs et assurer leur mobilisation de manière juste ?
  3. quelles sont les composantes mises en jeu et quelles sont les évolutions dont il convient de tenir compte en la matière ?

Ces trois questions suivent en partie la succession des séances de travail, mais en partie seulement.

Le groupe de travail était composé de :

- Monsieur Philippe Béague, Association Françoise Dolto
- Monsieur Jean Blairon, directeur de RTA (Réalisation-Téléformation-Animation)
- Madame Mylène Botbol, professeure, Faculté de Médecine, UCL
- Madame Françoise Cailleau, chercheuse, doctorante,Faculté de Psychologie, ULB
- Madame Ann d’Alcantara, professeure, Faculté de Médecine, UCL
- Monsieur Patrick De Neuter, professeur émérite, Faculté de Psychologie, UCL
- Madame Nicole Gallus, professeure, Faculté de Droit, ULB
- Madame Cathy Herbrand, Faculté de Sociologie, chargé de cours, ULB
- Monsieur Serge Léonard, juriste-expert auprès du Délégué général
- Madame Aurélie Nottet, aspirante FNRS, ULG
- Madame Marie-Geneviève Pinsart, professeure, Faculté de Philosophie, ULB
- Monsieur Luc Roegiers, professeur, Faculté de Médecine, UCL
- Madame Jehanne Sosson, professeure, Faculté de Droit, UCL


Le texte du rapport des réunions de travail organisées par le Délégué Général aux Droits de l'enfant (.doc)

Dans le cadre des travaux du groupe, Patrick De Neuter a rédigé une contribution intitulée «Quelques conditions nécessaires au développement d’un enfant sans trop de symptômes et suffisamment heureux de vivre» disponible ici (.pdf)