Droit de l'enfant - le délégué général

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Grève dans les prisons: la situation des enfants de parents détenus n'est plus tolérable !

27.05.2016 14:14 Il y a : 8 yrs

Grève dans les prisons: la situation des enfants de parents détenus n'est plus tolérable !

Communiqué de presse du 27 mai 2016


L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant stipule que « Les Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes (…) ne décident que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant. »

A l’évidence les enfants de parents détenus ne peuvent bénéficier de cette garantie offerte par la Convention, pourtant dûment signée et ratifié par notre pays. Il n’existe aujourd’hui aucune politique, sérieuse et réfléchie, de maintien des liens familiaux lors d’une incarcération  qui permette aux enfants d’éviter les lourdes conséquences d’une séparation : influence sur le développement psycho-affectif et social, honte et sentiment de culpabilité,  manque de soutien affectif et d’image parentale, problèmes scolaires, vulnérabilité économique, etc.

Les enfants de détenus sont les victimes invisibles du crime et du système pénal.

Depuis de nombreuses années, mon Institution défend avec force que le droit de l’enfant à une relation avec ses parents ne peut être subordonné aux préoccupations sécuritaires de l’Etat. Qu’ils soient détenus avec leurs parents ou séparés d’eux, les enfants des parents détenus sont particulièrement vulnérables et doivent avoir droit à une prise en charge et une protection particulières. C’est ainsi qu’outre une sensibilisation de l’ensemble des acteurs concernés à mieux prendre en compte l’intérêt des enfants, j’ai, à plusieurs reprises établi plusieurs recommandations :  l’examen approfondi des situations familiales des parents exposés à une détention préventive, le recours prioritaire aux peines alternatives ou à la détention à domicile pour les courtes peines, la création de maisons « mère-enfant » pour accueillir les mamans détenues et leurs très jeunes enfants, l’amélioration des conditions de visite, etc.  Aucune de ces propositions, pourtant formulées par d’autres acteurs institutionnels ou associatifs, n’a donné lieu à des avancées sensibles en la matière.

La situation que nous connaissons aujourd’hui, liée à la grève des agents pénitentiaires depuis plus d’un mois, s’est encore considérablement détériorée, de telle sorte que les conditions minimales du maintien des relations familiales et du respect de la dignité des enfants de parents détenus sont simplement inexistantes.

Plus aucune visite depuis des semaines, impossibilité de se parler au téléphone, envoi de courrier hasardeux sont, parmi d’autres, les premières conséquences alarmantes les plus tangibles de ce mouvement social qui semble devoir durer encore. Mais d’autres risques bien réels planent aussi sur la santé et la sécurité immédiate des nourrissons et des enfants en bas âge  confrontés, aux côtés de leur maman détenue, à un climat insurrectionnel et son cortège de violences, de mises à sac et d’incendies. Risques d’autant plus grands que les enfants sont désormais confinés en cellule sans même avoir accès à un espace de jeu…

Cette situation n’est pas acceptable. Elle est simplement intolérable. Je recommande donc fermement aux différentes autorités concernées, et en particulier au Ministre de la Justice, de mettre tout en œuvre pour que les droits élémentaires des enfants des parents détenus soient restaurés dans les meilleurs délais. Faute de pouvoir garantir la reprise des visites familiales, des alternatives doivent être envisagées sans attendre : libération des détenus préventifs dont la dangerosité n’est pas formellement établie, bracelet électronique pour les condamnés, permission de quelques heures à plusieurs jours pour permettre le rétablissement du lien parent-enfant.

A bien y réfléchir, ce genre de mesures que je réclame en urgence sont des principes que de nombreux pays (dont le Canada par exemple) ont déjà intégrés dans le fonctionnement de leur système pénitentiaire depuis bien longtemps déjà. Et l’évaluation de ces pratiques indique, sans hésitation, qu’elles sont à la fois profitable aux enfants, aux détenus et au bon fonctionnement des prisons.

 

Bernard De Vos
Délégué général aux droits de l’enfant   
02/223.36.99
dgde(at)cfwb.be