Droit de l'enfant - le délégué général

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2016

Déclaration de Paris

                                                               28 juin 2016                                  

 

Nous, Ombudsmans et Médiateurs, défenseurs des droits de l’enfant, réunis à Paris le 28 juin 2016 à l’occasion de la rencontre « Enfant, Europe, Urgence. Protection et avenir des enfants migrants : un défi pour l’Europe » ;

 

Rappelant que les Ombudsmans et Médiateurs jouent un rôle essentiel dans la protection des droits et libertés fondamentales et qu’ils doivent se saisir des questions de protection des mineurs au regard de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989 et notamment les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et de non-discrimination, le droit à la vie, à la survie et au développement, le droit d’exprimer librement leurs opinions et le droit à une protection spéciale ;

 

Rappelant les différents travaux des Ombudsmans et Médiateurs, du Réseau des Défenseurs européen des enfants (ENOC), de l’Association des Ombudsmans de la Méditerranée (AOM), de l’Association des Ombudsmans et Médiateurs de la Francophonie (AOMF) et de l’Institut international de l’Ombudsman, mais également les travaux de l’Union européenne, de ses agences, du Conseil de l’Europe, les recommandations des Nations Unies, et forts de l’expérience des ONG présentes sur le terrain ;

 

Particulièrement inquiets de la situation des enfants migrants présents en Europe et notamment de celle des mineurs non accompagnés ou séparés bloqués en Grèce à la suite de la signature de l’accord EU-Turquie et de la fermeture des frontières de l’Ex-République yougoslave de Macédoine ;

 

Préoccupés par les graves défaillances des politiques européennes, nationales et locales à prendre effectivement en considération les besoins et l’intérêt supérieur de ces enfants, à assurer leur protection;

 

Rappelant que les enfants migrants sont avant tout des enfants vulnérables et qu’il est de la responsabilité des Etats et de la responsabilité morale et légale de chacun d’entre nous de les protéger des nombreux dangers auxquels ils sont exposés lors de leur parcours migratoire, notamment les risques qu’ils encourent avec les passeurs, les risques de séparation de leur famille, d’enlèvement, de violences, d’abus sexuels et de traite des êtres humains ;

 

Rappelant que le respect des principes et des droits fondamentaux inaliénables les concernant doivent être pleinement intégrés au sein des politiques nationales, ainsi que dans l’élaboration et la mise en œuvre des législations et procédures nationales concernant ou ayant un impact sur ces enfants, conformément aux exigences fixées par la CDE et ses protocoles facultatifs, la Convention européenne des droits de l’Homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels et par tous les autres instruments ou standards internationaux et européens applicables ;

 

Rappelant que la garantie de l’accès effectif des enfants migrants à l’ensemble de leurs droits fondamentaux, sans discrimination, est un préalable essentiel à leur intégration dans la société d’accueil et que, partout, des politiques durables doivent être mises en place afin de permettre aux jeunes d’élaborer et de construire leur propre projet de vie ;

 

Conscients que la réponse ne pourra qu’être européenne et internationale au regard de l’ampleur des mouvements migratoires et des problématiques partagées dans nos pays respectifs ;

 

Nous, Ombudsmans et Médiateurs, défenseurs des droits de l’enfant,

 

I.                Nous engageons à :

 

1.              Développer et diffuser des outils d’information adaptés (sur les droits et procédures ainsi que sur les organismes concernés de chaque pays) aussi bien à destination des enfants migrants que des professionnels concernés. Ces outils devront être accessibles et traduits dans plusieurs langues.

 

2.              Renforcer la coopération entre Ombudsmans et Médiateurs en faveur de la protection et de la promotion des droits des enfants migrants, et développer en particulier leurs échanges d’information pour un suivi efficace des dossiers d’enfants en demande de protection ou de réunification familiale, afin d’accélérer les procédures de traitement.

 

3.              Veiller, dans nos Etats respectifs, à la promotion des instruments internationaux et européens pertinents ainsi qu’à la coopération avec les instances internationales et européennes.

 

4.              Veiller, dans nos Etats respectifs, à la mise en œuvre de la présente déclaration.

 

 

II.              Demandons instamment :

 

1.              Que tous les Etats et l’Union européenne développent et facilitent les voies légales d’immigration afin d’éviter que les enfants ne se mettent en danger en utilisant les circuits d’immigration irréguliers, et en particulier qu’ils développent davantage de demandes de réunification familiale.

 

2.              Que tous les Etats et l’Union européenne mettent en place un système adapté et fiable d’identification, d’enregistrement et de recensement des enfants migrants dès leur arrivée en Europe et à chaque étape de leur parcours au travers du recueil harmonisé de données essentielles (nom, prénom, âge, nationalité, sexe, accompagné ou non d’un représentant légal, point d’entrée, présence ou non de la famille en Europe).

 

3.              Que tous les Etats, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne instaurent une coopération renforcée entre eux afin d’assurer un suivi efficace du parcours de ces enfants et de les protéger contre toute disparition, violence, négligence, traite ou exploitation. A cette fin les Etats doivent prendre des mesures de protection en mettant en place des mécanismes de prévention, d’orientation, et de suivi afin de répondre à chaque cas de disparition d’enfants migrants.

 

4.              Que tous les Etats mettent un terme définitif à toute forme de rétention ou de détention des enfants migrants, qu’ils soient accompagnés ou non, et quelle que soit la procédure à laquelle ils sont soumis.

 

5.              Que tous les Etats garantissent des conditions d’accueil appropriées et adaptées aux enfants migrants prenant en compte leurs besoins fondamentaux, en leur assurant une prise en charge et un accompagnement continus visant leur développement, leur protection contre toute forme de danger et de violence et tenant compte de leurs valeurs culturelles. Cette prise en charge doit comprendre notamment un hébergement sûr où ils pourront trouver la sécurité que leur état de vulnérabilité requiert.

 

6.             Que tous les Etats, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne assurent à tous les enfants, dès leur arrivée et durant toutes les phases de leur parcours migratoire, un accès effectif à leurs droits fondamentaux, et plus particulièrement à des soins de santé adaptés à leurs besoins physiques ainsi que psychologiques et à l'éducation au même titre que les autres enfants relevant de la juridiction de l’Etat d’accueil.

 

7.              Que tous les Etats nomment obligatoirement un tuteur ou un représentant légal indépendant et qualifié pour défendre effectivement les intérêts des enfants non accompagnés ou séparés et ce dès leur enregistrement, en les accompagnant, les conseillant et les représentant auprès des autorités et dans les procédures les concernant, jusqu’à ce qu’ils rejoignent leur famille ou qu’ils bénéficient d’une protection appropriée.

 

8.              Que toutes les autorités publiques fournissent à tous les enfants, et notamment dans le cadre de toutes les procédures administratives et judiciaires, une information gratuite, spécifique et complète sur leurs droits, adaptée à leur âge et dans une langue qu’ils peuvent comprendre, avec l’aide d’un interprète.

 

9.              Que tous les Etats garantissent à l’enfant le droit d’être entendu sur toute question l’intéressant et notamment dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant conformément à l’article 12 de la CDE.

 

10.           Que tous les Etats, le Conseil de l’Europe et l’Union européenne  mettent en place et financent une formation adéquate à destination de toute personne en lien avec les enfants migrants (travailleurs sociaux, tuteurs, professionnels de santé, psychologues, officiers de police, gardes-frontières, autorités judiciaires, avocats, professeurs…), avec, le cas échéant, l’assistance des instances européennes et internationales, ce qui leur permettra de disposer des connaissances et des outils nécessaires au respect des droits fondamentaux de ces enfants et à la compréhension de leurs besoins spécifiques et de leur identité culturelle.

 

11.           Que tous les Etats et l’Union européenne mettent en place une coopération renforcée afin de faciliter et accélérer l’échange d’informations et améliorer ainsi la capacité de traitement des dossiers d’enfants migrants, de demandes de réunification familiale ou de relocalisation, dans le but de leur offrir rapidement une protection et une sécurité juridique.

 

12.           Que tous les Etats déploient davantage d’efforts de coopération et de coordination entre eux et les organisations de la société civile ainsi que les organisations internationales intervenant sur le terrain, et qu’une chaîne de responsabilités soit clairement définie et identifiée en matière d’accueil, d’assistance et de protection des enfants migrants.

 

13.           Que tous les Etats et l’Union européenne mettent en application les engagements déjà pris, en particulier le schéma de relocalisation qui doit bénéficier en priorité à tous les enfants non accompagnés.

 

14.           Que tous les Etats renforcent les pouvoirs et les moyens d’action de toutes les institutions de défense des droits de l’enfant, et, le cas échéant, qu’ils leur donnent compétence pour le traitement des réclamations individuelles.

 

15.           Que  le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et les Etats adoptent un plan d'action global relatif à l’ensemble des enfants migrants, accompagnés ou non, afin d’assurer, au niveau européen et national, l’effectivité d’une approche fondée sur les droits de l'enfant dans toutes les actions futures.

 

16.           Que l’Union européenne soutienne les Etats dans la mise en place de l’ensemble des mécanismes et dans la mise en œuvre des mesures visant à garantir aux enfants migrants l’accès à l’ensemble de leurs droits.

 

Nous invitons tous les acteurs impliqués, organisations européennes et ONG, à diffuser et promouvoir cette déclaration.

Le texte en français (.pdf)

Le texte en anglais (.pdf)